Les String Machines

L’un des aspects les plus fascinants (pour ne pas dire le plus magique…) de la musique des 70s est en fait la conséquence directe de la technologie disponible de l’époque ; à savoir l’omniprésence de ces merveilleuses nappes de clavier… 

 

A l’aube des 70’s, alors que le Minimoog poussait sont premier cri (wiiiiz), seuls les orgues (Hammond, Farfisa) et le mellotron permettaient de jouer des accords tenus. Les premiers synthés polyphoniques dignes de ce nom sont seulement apparus à la fin de la décennie (CS80, Polymoog en 1977, Prophet 5 en 1978 et OB-X en 1979) et coûtaient plusieurs mois de salaire… L’initiative de la première String Machine revient à Eminent, un fabricant d’orgues hollandais, qui a rajouté le fameux circuit Orbitone au modèle 310U.  La « string machine » est née du croisement entre un orgue et un super chorus qui déphase et épaissit considérablement le son. Initialement, cet effet était sensé pouvoir simuler une vraie section de cordes puisqu’aux balbutiements de la lutherie électronique, le but des fabricants était d’imiter des instruments acoustiques et non de créer des sonorités nouvelles (d’où les touches  « presets »  avec des noms d’instruments acoustiques sur les vieux synthés!). 

 

Novateur et efficace, le concept a ensuite été décliné par Eminent et d’autres firmes (surtout italiennes) dans des appareils plus petits et dédiés. Ainsi, à partir de 1974 environ, le Solina et ses émules ont conquis la plupart des musiciens avant gardistes (ou non…) qui de toute façon, n’avaient pas d’autres alternatives pour avoir des cordes « bon marché » à domicile… Ainsi, plus par la force des choses que par choix délibéré, ces sonorités singulières ont marqué de leur sceau toute la musique « clavier » de la seconde moitié des 70s jusqu’au début des années 80. Par la suite, progrès oblige, les synthés se sont démocratisés (juno, polysix, DX7, etc…) puis le sampling (S1000, M1…) et ont totalement évincés ces vieilleries "dépassées"... 

 

Depuis 10 ans, le regain d’intérêt pour tout ce qui est « vintage », a bien entendu impacté ces machines dont la cote était tombée dans les bas fonds (plus encore que les vieux monos Roland ou Korg…).  Alors qu’on s’évertuait à programmer (ou à sampler) ces belles sonorités sur des machines numériques ; on s’est aperçu, comme pour les vieux analos, que rien ne vaut l’instrument original (dans les 90s, Jarre avait même samplé son Eminent afin d’éviter de le trimballer en concert ; mais peu convaincu du résultat, il a laissé tombé…).


Parce qu’aujourd’hui on dispose facilement de banques sonores de plusieurs megas avec de « vrais » sons de cordes échantillonnés, il faut bien reconnaître que ces ertzaz électroniques n’ont pas grand chose à voir avec un orchestre symphonique! En fait, Eminent a tout simplement inventé les « cordes synthétiques »… Des sonorités très chaudes, bourrées d’harmoniques qui (comble du bonheur) se prêtent à une tonne d’expérimentations (Dans Oxygene, Jarre met son 310U à toutes les sauces : phasing, flange, delay…etc).Bien entendu, les synthés polyphoniques peuvent également produire des sons de strings synthétiques (certains sont même très réputés pour ça comme l’OBX) ; mais aucun ne sonne aussi large et profond que ces antiquités avec leur chorus diabolique.

 

Aujourd’hui, la cote de ces appareils a bien remonté et les vieux Solinas qui croupissaient dans un coin du studio valent désormais plus de 1000€ ; le VP-330 lui, dépasse allègrement les 1500€… Les autres String-machines restent accessibles, mais pour combien de temps ?

Y’a-t-il vraiment une « String machine » meilleure que les autres ? Tout dépend de la façon de voir les choses : 

  • Soit on considère que ce type de sonorité n’a pas de réalité propre et dans ce cas toutes les machines similaires se valent…
  • Soit on considère l’Eminent ou le Solina comme « la » référence du genre, et dans ce cas les autres sont plus ou moins proches… Mais est-ce vraiment objectif d’un point de vue qualitatif d’autant plus que le 310U et le Solina ne sonnent pas pareil… C’est un peu comme les pianos : Steinway est il meilleur que Bosendorfer ?

 

Conclusion : Toutes ces machines basées sur le même concept (une partie orgue et un chorus à 3 lignes de retard utilisant des chips BBD) ont à l’évidence un air de famille même si chaque appareil possède des subtilités qui lui sont propres. Dans un mix il est très difficile de les distinguer, surtout aprés un phasing ou un flange… Pour les puristes qui ont la place et les moyens, le plus simple est de les collectionner (comme les moog, arp, ems, etc…)

 

Par contre, il est beaucoup plus aisé de savoir si on a affaire à une « vraie » string machine ou non ; les synthés numériques ayant bien du mal à restituer toute la chaleur et la richesse de ces sons typiquement analogiques...